Page:Zola - Le Roman expérimental, 1902.djvu/48

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qu'il a fini par reconnaître la stérilité de ses efforts dans cette voie. L'homme s'aperçut alors qu'il ne dicte pas des lois à la nature, parce qu'il ne possède pas en lui-même la connaissance et le critérium des choses extérieures; et il comprit que, pour arriver à la vérité, il doit, au contraire, étudier les lois naturelles et soumettre ses idées, sinon sa raison, à l'expérience, c'est-à-dire au critérium des faits.» Que devient donc le génie chez le romancier expérimental? Il reste le génie, l'idée a priori, seulement il est contrôlé par l'expérience. Naturellement, l'expérience ne peut détruire le génie, elle le confirme, au contraire. Je prends un poète; est-il nécessaire, pour qu'il ait du génie, que son sentiment, que son idée a priori soit fausse? Non, évidemment, car le génie d'un homme sera d'autant plus grand que l'expérience aura prouvé davantage la vérité de son idée personnelle. Il faut vraiment notre âge de lyrisme, notre maladie romantique, pour qu'on ait mesuré le génie d'un homme à la quantité de sottises et de folies qu'il a mises en circulation. Je conclus en disant que, désormais, dans notre siècle de science, l'expérience doit faire la preuve du génie.

Notre querelle est là, avec les écrivains idéalistes. Ils partent toujours d'une source irrationnelle quelconque, telle qu'une révélation, une tradition ou une autorité conventionnelle. Comme Claude Bernard le déclare: «Il ne faut admettre rien d'occulte; il n'y a que des phénomènes et des conditions de phénomènes.» Nous, écrivains naturalistes, nous soumettons chaque fait à l'observation et à l'expérience; tandis que les écrivains idéalistes admettent des influences mystérieuses échappant à l'analyse, et