Page:Zola - Le Vœu d’une morte, 1890.djvu/27

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rable enfant que personne n’a encore voulu aimer. Plus je me voyais raillé et repoussé, plus je me sentais laid et faible, et plus je vous adorais, car je comprenais quelle bonté vous deviez avoir pour descendre jusqu’à moi. En venant ici, je souhaitais ardemment d’être beau.

Blanche souriait. Tant d’adoration jeune, tant d’humilité caressante lui faisait oublier la mort.

— Vous êtes un enfant, dit-elle.

Puis, elle se tut, songeuse. Elle tâchait de voir dans l’ombre le visage de Daniel. Un sang plus chaud courait dans ses veines, et elle pensait à sa jeunesse.

Elle reprit :

— Vous êtes un passionné, la vie sera rude pour vous. Je ne puis, à cette heure dernière, que vous dire de garder mon souvenir comme une sauvegarde. S’il ne m’a pas été permis d’assurer votre existence, j’ai pu heureusement vous mettre en état de gagner votre vie, de marcher droit et ferme, et cette pensée me console un peu de l’abandon forcé dans lequel je