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XV

Où Philippe refuse de se sauver


Marius s’avoua son impuissance. Il ne savait plus à quelle porte frapper. On n’emprunte pas quinze mille francs dans une heure lorsqu’on est un simple commis.

Il descendit lentement la rue d’Aix, l’intelligence tendue, ne trouvant rien au fond de ses pensées endolories. Les embarras d’argent sont terribles ; on aimerait mieux lutter contre un assassin que contre le fantôme insaisissable et accablant de la pauvreté. Personne n’a pu jusqu’à présent inventer une pièce de cent sous.

Lorsque le jeune homme fut arrivé sur le cours Belzunce, désespéré, acculé par la nécessité, il se décida à retourner à Aix, les mains vides. La diligence allait partir, il ne restait plus qu’une place sur l’impériale. II prit cette place avec joie, il préférait rester à l’air, car l’anxiété l’étouffait, et il espérait que les horizons larges de la campagne calmeraient sa fièvre.

Ce fut un triste voyage. Le matin, il avait passé devant les mêmes arbres, les mêmes collines, et l’espérance qui le faisait sourire jetait alors des clartés joyeuses sur les champs et les coteaux. Maintenant, il revoyait cette contrée et lui donnait toutes les tristesses de son âme. La lourde voiture roulait toujours ; les terres labourées, les bois de pins, les petits hameaux s’étalaient au bord de la route ; et Marius trouvait, dans chaque nouveau paysage, un deuil plus noir, une douleur plus