Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/111

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poignante. La nuit vint, il lui sembla que le pays entier était couvert d’un crêpe immense.

Arrivé à Aix, il se dirigea vers la prison, d’un pas lent. Il se disait qu’il apporterait toujours trop tôt la mauvaise nouvelle.

Lorsqu’il entra dans la geôle, il était neuf heures du soir. Revertégat et Fine jouaient aux cartes sur un coin de la table pour tuer le temps.

La bouquetière se leva d’un mouvement joyeux et courut à la rencontre du jeune homme.

« Eh bien ? » demanda-t-elle avec un sourire clair, en renversant coquettement la tête en arrière.

Marius n’osa répondre. Il s’assit, accablé.

« Parlez donc ! cria Fine. Vous avez l’argent ?

– Non », répondit simplement le jeune homme.

Il reprit haleine et conta la faillite de Bérard, l’arrestation de Blétry, tous les malheurs qui lui étaient arrivés à Marseille. Il termina en disant :

« Maintenant, je ne suis qu’un pauvre diable... Mon frère restera prisonnier. »

La bouquetière demeura douloureusement surprise. Les mains jointes, dans cette attitude de pitié que prennent les femmes de Provence, elle répétait sur un ton lamentable :

« Pauvres, pauvres, nous ! »

Elle regardait son oncle, elle semblait le pousser à parler. Revertégat contemplait les deux jeunes gens avec compassion. On voyait qu’une lutte se livrait en lui. Enfin, se décidant :

« Écoutez, monsieur, dit-il à Marius, mon métier ne m’a pas endurci au point d’être insensible à la douleur des braves gens... Je vous ai déjà dit pourquoi je vous vendais la liberté de votre frère. Mais je ne voudrais pas que vous puissiez croire que l’amour de l’argent seul me guide... Si des circonstances malheureuses vous empêchent de me mettre en ce moment à l’abri de la misère, je n’en ouvrirai pas moins la porte à M. Philippe... Vous viendrez plus tard à mon secours, vous