Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/112

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me donnerez les quinze mille francs sou à sou, quand vous pourrez. »

Fine, en entendant ces mots, battit des mains. Elle sauta au cou de son oncle et l’embrassa à pleine bouche. Marius devint grave.

« Je ne puis accepter votre dévouement, répondit-il. Je me reproche déjà de vous faire manquer à votre devoir, et je refuse d’aggraver ma responsabilité en vous jetant, en outre, sur le pavé, sans un morceau de pain. »

La bouquetière se tourna vers le jeune homme presque avec colère.

« Eh ! taisez-vous ! cria-t-elle. Il faut sauver M. Philippe... Je le veux... D’ailleurs, nous n’avons pas besoin de vous pour ouvrir les portes de la prison... Venez, mon oncle. Si M. Philippe consent, son frère n’aura rien à dire. » Marius suivit la jeune fille et le geôlier, qui se dirigeaient vers la cellule du prisonnier. Ils avaient pris une lanterne sourde, ils se glissaient doucement dans les corridors, pour ne pas éveiller l’attention.

Tous trois entrèrent dans la cellule et refermèrent la porte derrière eux. Philippe dormait. Revertégat, attendri par les larmes de sa nièce, adoucissait autant que possible pour le jeune homme le régime sévère de la prison : il lui portait le déjeuner et le dîner que Fine préparait elle-même, il lui prêtait des livres, il lui avait même donné une couverture supplémentaire. La cellule était devenue habitable, et Philippe ne s’y ennuyait pas trop. Il savait d’ailleurs, qu’on travaillait à sa fuite.

Il s’éveilla et tendit les mains avec effusion à son frère et à la bouquetière.

« Vous venez me chercher ? demanda-t-il en souriant.

– Oui, répondit Fine. Habillez-vous vite. »

Marius gardait le silence. Son cœur battait à grands coups. Il redoutait qu’un désir cuisant de liberté ne fit accepter à son frère cette fuite qu’il avait cru devoir refuser.