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XVI

Messieurs les usuriers


Le sieur Rostand était un habile homme. Il faisait en toute tranquillité son commerce honteux. Pour mettre une enseigne honorable à son industrie, il avait ouvert une maison de banque ; il payait patente, il était légalement établi. Même, à l’occasion, il savait avoir un peu d’honnêteté, il prêtait de l’argent au même taux que ses confrères, les banquiers de la ville. Mais, dans ses bureaux, il y avait, pour ainsi dire, une arrière-boutique où il élaborait ses friponneries avec amour.

Six mois après l’ouverture de sa maison de banque, il devint le gérant d’une société d’usuriers, d’une bande noire qui lui confia des capitaux. La combinaison fut d’une simplicité patriarcale. Les gens qui avaient la bosse de l’usure et qui n’osaient trafiquer pour leur compte, à leurs risques et périls, lui apportèrent leur argent et le prièrent de le faire valoir. Il eut ainsi entre les mains un roulement de fonds considérable, et il put exploiter largement les besoins des emprunteurs. Ceux qui fournissaient l’argent restèrent dans l’ombre. Il s’était solennellement engagé à prêter à des taux fabuleux, à cinquante soixante, même quatre-vingts pour cent. Chaque mois, les bailleurs de fonds se réunissaient chez lui, il présentait ses comptes, et l’on partageait le gain. Mais il s’arrangeait de façon à garder la plus grosse part, à voler les voleurs. Il s’attaquait surtout au petit commerce. Quand un