Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/120

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Un murmure flatteur accueillit les paroles de l’usurier.

« Le lendemain, continua-t-il, j’ai reçu la visite de la maîtresse du comte, qui était exaspérée, son amant ne lui ayant remis que deux ou trois billets de mille francs. Elle m’a juré qu’elle m’amènerait de Salvy, pieds et poings liés, pour contracter un nouvel emprunt. Cette fois, je demanderai la cession d’une propriété... Nous avons encore neuf mois pour tondre le jeune fou que sa mère laisse sans argent. »

Rostand feuilletait le registre. Il reprit après un court silence :

« Jourdier..., un marchand de drap qui, chaque mois, a besoin de quelques centaines de francs pour faire face à ses échéances. Aujourd’hui, son fonds nous appartient presque entièrement. Je lui ai encore prêté cinq cents francs à soixante pour cent. Le mois prochain, s’il me demande un sou, je le fais mettre en faillite, et nous nous emparons des marchandises.

– Marianne..., une femme de la halle. Tous les matins, elle a besoin de dix francs, et elle m’en rend quinze le soir. Je crois qu’elle boit... Petite affaire, mais gain assuré, une rente fixe de cinq francs par jour.

– Laurent.., un paysan du quartier de Roquefavour. Il m’a cédé, lambeau par lambeau, une terre qu’il possède près de l’Arc. Cette terre vaut cinq mille francs ; nous l’aurons payée deux mille francs. J’ai expulsé notre homme de sa propriété... Sa femme et ses enfants sont venus chez moi pleurer misère... Vous me tiendrez compte de tous ces ennuis, n’est-ce pas ?

– André..., un meunier. Il nous devait huit cents francs. Je l’ai menacé d’une saisie. Alors il est accouru me supplier de ne pas le perdre en montrant à tous son insolvabilité. J’ai consenti à opérer la saisie moi-même, sans employer l’aide d’un huissier, et je me suis fait donner pour plus de douze cents francs de meubles et de linge... C’est quatre cents francs que j’ai gagnés à être humain. »