Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

« Je ne puis rien vous dire, continua-t-elle. J’ai un projet, mais je crains d’échouer. Je reviendrai ce soir... Allons, ne vous désespérez pas. »

Marius accompagna Fine jusqu’à la diligence. Lorsque la lourde voiture s’ébranla, il la suivit longtemps des yeux ; cette voiture emportait sa dernière espérance et allait lui rapporter l’angoisse ou la joie.

Jusqu’au soir, il rôda autour des diligences qui arrivaient. On n’attendait plus qu’une voiture, et Fine n’avait point encore paru. Le jeune homme, rongé d’impatience, allant et venant d’un pas fébrile, tremblait que la bouquetière ne revînt que le lendemain. Dans l’ignorance où il était, ne sachant quelle pouvait bien être cette dernière tentative, il ne se sentait point le courage de passer une nuit entière d’anxiété et d’incertitude. Il se promenait sur le Cours, frissonnant, en proie à une sorte de cauchemar.

Enfin, il aperçut la diligence, au loin, au milieu de la place de la Rotonde. Quand il entendit les roues sonner sur le pavé, il eut des palpitations violentes. Il s’adossa contre un arbre, regardant les voyageurs qui descendaient un à un, avec une lenteur désespérante.

Tout d’un coup, il fut comme cloué au sol. Presque en face de lui, par une portière ouverte, il venait de voir apparaître la grande taille, la figure pâle et triste de l’abbé Chastanier. Quand l’abbé fut sur le trottoir, il tendit la main et aida une jeune fille à descendre. Cette jeune fille était Mlle Blanche de Cazalis. Derrière elle, Fine sauta à terre d’un bond léger, sans se servir du marchepied. Elle était rayonnante.

Les deux voyageurs, guidés par la bouquetière, se dirigèrent vers l’hôtel des Princes. Marius, qui était demeuré dans l’ombre de la nuit naissante, les suivit machinalement, ne pouvant comprendre, comme hébété.

Fine resta dix minutes au plus dans l’hôtel. Lorsqu’elle en sortit, elle aperçut le jeune homme, et courut à lui, prise d’un accès de joie folle.