Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/166

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billet du nom de Sauvaire, le nom d’un de ses amants, sans doute. »

Le maître portefaix, en s’entendant nommer, fit un haut-le-corps. Le chiffre de mille francs l’effraya.

« Vous dites que vous avez un effet de mille francs signé Sauvaire ? demanda-t-il avec une sorte d’épouvante.

– Oui, monsieur, dit la vieille. Je l’ai apporté, il est dans mon cabas.

– Montrez-le-moi, je vous prie. »

Sauvaire retourna le billet dans ses mains, en étudia de près l’écriture, et resta confondu.

« Pardieu ! s’écria-t-il, voilà qui est parfaitement imité ! »

Il se pencha vers Armande, que la douleur courbait, et continua d’un ton sec :

« Ah ! ça, ma chère, pas de bêtises ! Je ne payerai jamais cela vous savez... Que diable ! je vous donnerais bien cent francs, mais mille francs, c’est trop. » Il ne la tutoyait plus, il commençait à regretter sa campagne dans le demi-monde marseillais.

« Oh ! je n’ai pas que celui-là reprit Mme Mercier, j’en possède plusieurs autres signés de différents noms... Cependant, si l’on me payait celui-là, je consentirais à ne rien dire... J’attendrais encore. »

Les paroles sensées de Marius lui avaient fait comprendre qu’il était préférable de ne pas adresser une plainte. Puisqu’elle tenait Sauvaire, elle espérait qu’il payerait. Elle devint toute douce, elle changea de plan, et se mit à excuser Armande.

« Après tout, dit-elle, je ne sais pas si les autres billets sont faux... La pauvre petite femme a passé par de rudes moments. Il ne faut pas lui en vouloir, monsieur. Au fond, elle est bonne personne. »

Et elle se mit à pleurer à chaudes larmes. Marius ne put retenir un sourire. Sauvaire allait et venait, agité, grondant sourdement. L’infamie de sa maîtresse le touchait peu, il était simplement irrité par