Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/169

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Armande avait levé le front. Son visage rougi de larmes paraissait vieilli. Encore toute secouée d’effroi et toute fiévreuse de honte, elle se dressa péniblement et voulut s’agenouiller devant Marius et Sauvaire.

Le jeune homme la retint, tandis que le maître portefaix disait :

« Allons ! ma chère, c’est fini. J’accepte vos remerciements, et je souhaite que mon bienfait vous soit profitable. »

La vérité était que Sauvaire ne trouvait plus aucun charme à Armande. Il venait de s’apercevoir que la pauvre créature était fanée, et il avait reçu une trop rude leçon pour s’oublier plus longtemps dans les boudoirs du demi-monde. Les grisettes faisaient mieux son affaire.

Les deux hommes se retirèrent et, sur le seuil de la porte, Armande baisa ardemment la main de Marius. Elle sentait en lui une pitié vraie et profonde, elle le remerciait de l’avoir sauvée.

Le lendemain soir, Sauvaire alla prendre Marius pour se rendre avec lui chez la dame Mercier. L’usurière habitait une maison sordide de la rue du Pavé-d’Amour. Les deux visiteurs montèrent trois étages et frappèrent inutilement à une porte humide et noirâtre. Au bruit qu’ils faisaient, une voisine sortit et leur apprit que la vieille coquine avait été arrêtée le matin.

« Depuis quelques jours, leur dit cette voisine, elle était traquée par la police. Il paraît qu’une plainte avait été adressée au parquet. Toute la maison est ravie de son arrestation... Elle n’a eu que le temps de brûler les papiers qui pouvaient la compromettre. »

Marius comprit que le ciel venait de délivrer Armande. Il interrogea les gens de la maison et acquit la certitude que l’usurière avait brûlé les billets souscrits par la lorette, dans la crainte que ces billets ne devinssent une nouvelle charge contre elle, car elle se doutait qu’Armande, se trouvant compromise, ne ménagerait pas la