Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/174

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position était conquise, et Douglas l’exploitait fiévreusement.

Il avait alors quarante-cinq ans environ. C’était un homme fort et trapu qui tournait à l’obésité. Son visage, toujours soigneusement rasé, avait une pâleur mate ; les chairs semblaient mortes, les yeux seuls vivaient. On aurait dit, à le voir, un bedeau devenu banquier. Sous son apparence douce, on entendait comme un grondement sourd : le sang devait battre à grands coups dans ce corps de lutteur qui paraissait dormir. Quand il causait d’une voix traînante, sa voix laissait échapper par moments des éclats qui révélaient la fièvre intérieure dont il était secoué.

À toute heure, on le trouvait dans son cabinet, une salle froide et pauvrement meublée. Il y avait toujours quelque prêtre, quelque religieuse dans l’antichambre. D’ailleurs la porte restait ouverte et l’on pénétrait jusqu’au maître de la maison avec la plus grande facilité. Il étalait même un peu trop complaisamment sa charité, son dédain du luxe, sa bonhomie austère.

Marius se sentait une véritable sympathie pour cet homme, dont les vertus simples le séduisaient. Il aimait à aller chez lui.

Ce jour-là, après avoir parlé à Douglas de l’affaire pour laquelle M. Martelly l’envoyait, le jeune homme ajouta en hésitant :

« Il me reste, monsieur, à vous entretenir d’une question qui m’est personnelle... Seulement, je crains de vous importuner...

– Comment donc ! mon cher ami, dit le notaire avec cordialité, je suis tout à votre service... Je vous ai déjà offert mon aide, je vous ai ouvert ma maison.

– Je me souviens de vos propositions obligeantes, et je désirais justement vous rappeler ce que vous m’avez dit, il y a plusieurs mois.

– Je vous ai dit qu’il ne tenait qu’à vous de gagner quelque argent avec moi. Je serais heureux d’obliger un garçon tel que vous, en mettant à l’épreuve votre