Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/202

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son frère par une besogne de géant ; si on l’eût mis à l’épreuve, il se serait engagé à trouer le mur du cachot avec ses ongles, à égratigner, à émietter la pierre sous ses doigts. Cette tâche d’ouvrier ne lui eût pas paru lourde et il en serait venu à bout, quitte à user ses mains. Mais la pensée des quinze mille francs l’épouvantait ; dès qu’il s’agissait d’argent, de démarches humbles ou de trafics plus ou moins louches, il perdait la tête, il se sentait incapable de mener à bien la moindre entreprise. Cela expliquait la naïve confiance qui l’avait poussé chez Armande et chez Douglas.

Toute espérance n’était pourtant pas morte en lui. Grâce aux qualités mêmes qui le rendaient faible, à la bonté de son cœur et à la droiture de son esprit, il revenait toujours à des pensées de confiance et d’espoir. Les leçons que les hontes de la vie lui donnaient ne pouvaient l’empêcher de croire toujours à la sympathie secourable d’autrui.

« J’ai encore plus de six semaines devant moi, pensait-il. Il est impossible que je ne trouve pas un véritable ami d’ici là. Rien n’est désespéré. »

Il serait à coup sûr tombé malade, dans les angoisses, dans les espérances et les désespérances de sa tâche, s’il n’avait eu à son côté une consolatrice qui lui souriait aux heures mauvaises. Une étroite intimité s’était établie entre lui et les Cougourdan. Presque chaque jour, il allait voir Fine et passait de longues soirées avec elle. Dans les commencements, ils parlèrent ensemble de Philippe ; puis, tout en n’oubliant pas le pauvre prisonnier, ils s’entretinrent d’eux-mêmes, de leur enfance et de leur avenir. Ce furent des causeries pleines d’abandon qui les reposaient des fatigues et des anxiétés de la journée, qui leur donnaient de nouvelles forces pour le lendemain.

Peu à peu, chaque matin, Marius souhaita ardemment d’être au soir, afin de se retrouver dans la petite chambre de Fine. Quand il avait un espoir, il accourait pour en faire part à son amie, et, quand il avait un