Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/211

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X

Où les hostilités recommencent.


Blanche menait une vie de larmes. L’automne pâlissait les horizons mélancoliques, la saison devenait froide et triste. De larges frissons secouaient la mer dont les voix se faisaient gémissantes, tandis que les arbres jetaient leurs feuilles à la terre. Sous la nudité morne du ciel s’étalait la nudité des eaux et du rivage. Cette tristesse de l’air, ces derniers adieux de l’été mettaient autour de Blanche la désespérance qui était dans son cœur.

Elle vivait retirée dans la petite maison de la côte. Cette maison, située à quelques minutes du village de Saint-Henri, se trouvait isolée sur une falaise et dominait la mer, qui venait battre les rochers sous ses fenêtres. Blanche restait pendant des journées entières à regarder et à écouter les vagues, dont les bruits réguliers endormaient ses souffrances. C’était là sa seule distraction ; elle suivait du regard les grandes nappes d’écume qui se brisaient et jaillissaient ; son être endolori s’apaisait en face de l’immensité douce et monotone.

Parfois, le soir, elle sortait, accompagnée de sa gouvernante. Elle descendait au bord de la mer, elle s’asseyait sur un éclat de rocher. Le vent frais de la nuit calmait les fièvres qui la brûlaient. Elle s’oubliait dans les ténèbres, assourdie par les eaux, et elle ne rentrait que lorsque le froid la rendait toute frissonnante.