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XIII

Les tripots marseillais


Avant de raconter le nouvel épisode de ce drame, avant de montrer Marius dans toutes les angoisses du jeu, il est nécessaire d’expliquer les causes qui ont multiplié les tripots dans Marseille. Celui qui écrit ces lignes voudrait pouvoir étaler, dans toute sa nudité hideuse, la plaie dévorante qui ronge une des villes les plus riches et les plus vivantes de la France. On lui pardonnera la courte digression qu’il va se permettre, en songeant à l’utilité du but qu’il se propose.

Il est à remarquer que la passion du jeu désole surtout les grands centres de commerce. Lorsqu’une population entière est livrée à une spéculation effrénée, lorsque toutes les classes d’une ville trafiquent du matin au soir, il est presque impossible que ce peuple de négociants ne se jette pas dans les émotions poignantes du jeu. Le jeu devient alors une spéculation qui s’ajoute aux autres ; on spécule sur le hasard, on continue la nuit la besogne du jour ; pendant le jour on a tâché d’augmenter sa fortune en vendant de n’importe quoi, et, pendant la nuit, on tâche d’augmenter le gain en le hasardant sur le tapis vert. S’il est vrai que le commerce est souvent un jeu, les commerçants peuvent croire qu’ils ne changent pas de milieu en passant de leur comptoir dans le tripot voisin.

D’ailleurs, la fièvre commerciale est contagieuse. À Marseille, en face de certaines grandes fortunes gagnées