Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/246

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« Vous trichez, monsieur, cria-t-il, hors d’ici ! »

Le fripon ne se troubla pas.

« De quoi vous mêlez-vous ? » répondit-il insolemment.

Il laissa ses vingt-cinq francs sur la table, se leva, fit quelques tours dans la salle et se retira en toute tranquillité. Les pontes s’étaient contentés de grogner.

Marius devint très pâle. Il était donc tombé jusque-là, il jouait avec des voleurs. À partir de ce moment, il eut devant les yeux un voile qui lui fit commettre les plus lourdes fautes. Il perdit, et il fut presque heureux de ses pertes. Toute sa fièvre tomba, l’émotion ne le serra plus à la gorge. L’argent le brûlait, lorsqu’il le touchait ; il aurait voulu achever de perdre cet argent et se retirer les poches vides.

Bientôt, il n’eut plus que deux ou trois cents francs devant lui.

À son côté, depuis le commencement de la soirée, jouait un jeune homme qui avait suivi toutes les péripéties du jeu avec une vive anxiété. À mesure qu’il perdait, il devenait plus pâle et plus hagard. Il avait mis devant lui une somme assez importante, et il regardait désespérément chaque pièce d’or qui s’en allait.

Marius l’avait entendu, à plusieurs reprises, prononcer des paroles entrecoupées, et il s’était inquiété de son angoisse. Il sentait vaguement qu’il se passait là un drame effroyable.

Un dernier coup acheva de dépouiller son voisin. Celui-ci resta un instant immobile, le visage contracté. Puis, il se mit la main sur les yeux, tira rapidement un pistolet de sa poche, en introduisit le canon dans sa bouche et lâcha le coup.

Il y eut un craquement. Le sang jaillit, de larges gouttes, tièdes et roses, tombèrent sur les mains de Marius.

Tous les joueurs s’étaient levés, épouvantés. Le cadavre venait de retomber sur la table, les bras repliés,