Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/265

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Si quelqu’un eût suivi la dame voilée, on l’aurait vue rejoindre le galant Sauvaire, qui l’attendait dans la rue du Petit-Chantier. Elle leva son voile : c’était Clairon.

« Il est gentil, cet abbé-là, dit-elle en abordant le maître portefaix.

– Il te plaît, tant mieux ! répondit Sauvaire. Ah çà ! ma fille sois sage : c’est tout simplement le ciel que tu vas gagner. »

Et ils s’éloignèrent en riant aux éclats.

Vers neuf heures et demie, Clairon et Sauvaire se trouvaient de nouveau dans la rue du Petit-Chantier. Ils marchaient lentement, s’arrêtant à chaque pas, semblant attendre quelqu’un. Clairon vêtue simplement d’une robe en laine noire, avait le visage caché sous une épaisse voilette. Sauvaire était déguisé en commissionnaire.

« Voici Marius, dit tout à coup ce dernier.

– Êtes-vous prêts ? demanda à voix basse le jeune homme qui arrivait. Savez-vous bien vos rôles ?

– Pardieu ! répondit le maître portefaix, vous verrez comme nous allons vous jouer la comédie... Ah ! la bonne farce ! J’en rirai pendant six mois.

– Allez chez l’abbé, nous vous attendons ici... Soyez prudent. »

Sauvaire alla frapper chez Donadéi, qui lui ouvrit lui-même, tout effaré, en costume de voyage.

« Que voulez-vous ? demanda brusquement le prêtre, désappointé en voyant un homme devant lui.

– Je suis venu avec une demoiselle, répondit le faux commissionnaire.

– C’est bien... Qu’elle entre vite.

Elle n’a pas voulu venir jusqu’à votre porte.

– Elle m’a dit comme ça : »Vous direz à ce monsieur que je préfère monter tout de suite en voiture. »

– Attendez, j’ai encore quelque chose à prendre.

C’est que la demoiselle a peur, au milieu du boulevard.