Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/272

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M. Martelly dit alors à Marius, en lui désignant le vieux prêtre :

« Je viens de recevoir la visite de monsieur, et j’ai appris une tentative ignoble qui me bouleverse.

– Calmez-vous, par grâce, interrompit le prêtre, ne me faites pas repentir d’avoir fait mon devoir d’honnête homme en venant vous prévenir... Je veux croire que je me suis effrayé à tort.

– Vous ne seriez pas ici, monsieur, si vos soupçons n’étaient basés sur des certitudes. Je vous remercie de votre démarche, je comprends les sentiments de dignité qui vous ont amené chez moi et je comprends même le dernier effort que vous faites pour défendre l’infâme... »

L’armateur se tourna vers Marius et continua d’un ton âpre :

« Imaginez-vous qu’un prêtre essaie en ce moment de me déshonorer... Monsieur vient de me dire de veiller sur Claire. Il m’a appris avec mille réticences que l’abbé Donadéi exerce sur elle un pouvoir dangereux et qu’il craignait... Ah ! si ce misérable a terni la pureté de cette enfant, je le tue comme un chien ! »

L’abbé Chastanier baissa la tête. Il ne regrettait pas sa démarche, il avait agi en honnête homme ; mais il restait anéanti devant l’explosion de colère de M. Martelly. Il souffrait comme s’il eût été coupable lui-même : il avait honte pour l’Église tout entière.

L’armateur se calma un peu. Il reprit après un court moment de silence :

« Je n’ai pas voulu prendre un parti avant d’avoir consulté un homme calme et sage et je vous ai fait appeler, Marius... Mon premier mouvement a été de courir chez ce prêtre pour le souffleter. Il y a peut-être mieux à faire. »

Marius avait écouté son patron d’un air tranquille, ce qui mit un peu de calme dans le cœur de Chastanier. Le jeune homme, qui avait sa réponse toute prête, ne pensait guère à Donadéi, il s’interrogeait pour savoir