Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/274

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Eh quoi ! on lui offrait brusquement cet argent qu’il avait cherché avec désespoir pendant plusieurs mois ! Il n’avait rien demandé, et ses plus chers désirs étaient satisfaits ! Il croyait rêver.

M. Martelly s’était dirigé vers une table. Il s’assit et se disposa à signer un bon sur sa caisse. Avant de se mettre à écrire, il leva la tête et dit simplement à Marius :

« C’est bien quinze mille francs qu’il vous faut, n’est-ce pas ? »

Cette question tira Marius de sa stupeur. Il joignit les mains, et, d’une voix tremblante :

« Comment connaissez-vous mes secrètes pensées ? demanda-t-il. Qu’ai-je fait pour que vous soyez si bon et si généreux ? »

L’armateur sourit :

« Je ne vous dirai pas, comme on dit aux enfants, que mon petit doigt m’a tout conté... Mais, en vérité, j’ai reçu la visite d’une fée. Ne vous l’ai-je pas déjà avoué ? Mlle Fine est venue me voir. »

Le jeune homme comprit enfin. Il remercia ardemment, du fond de son cœur, le bon ange qui, tout en le sauvant de la mort, avait travaillé à lui rendre la tranquillité et l’espoir. Il s’expliqua alors le visage paisible et souriant de la bouquetière, lorsqu’il lui avait parlé de Philippe. Elle était certaine du salut du prisonnier, elle avait accompli à elle seule toute la besogne pénible d’un emprunt.

Marius ne savait plus s’il devait se jeter aux pieds de M. Martelly, ou courir se jeter à ceux de Fine. Il était tout reconnaissance.

L’armateur prenait plaisir à voir le visage de son employé s’éclairer des joies du cœur. Ses regards rencontrèrent ceux de l’abbé Chastanier qui était resté assis, et ces deux hommes se comprirent : le libre penseur, le républicain, goûtait, ainsi que le prêtre, la joie du bienfait, l’émotion délicieuse de faire le bonheur d’autrui et d’assister au spectacle de ce bonheur.