Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/294

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Toutes les précautions qu’il prenait tendaient à lui assurer la possession pleine et entière de cet enfant. S’il cloîtrait Blanche, c’était uniquement pour cloîtrer son héritier. Il comptait être là, à la naissance du petit, pour s’en emparer et l’empêcher de devenir l’instrument de sa perte. En attendant, il avait chargé Mme Lambert de surveiller les alentours de la maison et de ne permettre à personne d’y pénétrer. Il craignait quelque coup de main.

Il se disait qu’il serait sauvé, lorsqu’il tiendrait l’enfant en sa possession. Au fond de lui, par moments, il était presque heureux que sa nièce eût commis une faute irréparable. Si elle s’était mariée, il n’aurait pu garder quelques parcelles de sa fortune qu’avec beaucoup de peine. Maintenant, elle ne se marierait sans doute pas, elle entrerait dans un couvent pour y pleurer sa honte, et il garderait impunément tout l’argent. Il tolérait les visites de l’abbé Chastanier, parce qu’il espérait bien que le vieux prêtre indiquerait la religion à Blanche comme refuge. Cette façon de se débarrasser de la malheureuse devait forcément réussir.

Une fois la mère au couvent, il se chargeait du petit. Son plan consistait à le garder près de lui, à l’élever avec soin, pour tâcher de le pousser aussi à la religion. D’ailleurs, il ne pouvait prévoir l’avenir. Il voulait seulement mettre toutes les chances de son côté. Au lieu d’une ruine immédiate, il préférait courir le risque d’une ruine lointaine. Son fils adoptif grandirait sous ses yeux, et il essayerait de s’en défaire d’une façon honnête, soit en le poussant dans les ordres, soit en le faisant tuer dans une guerre, soit en le jetant sur le pavé, après avoir trouvé un moyen légal de lui voler sa fortune. En tout cas, il fallait éviter à tout prix qu’il tombât entre les mains des Cayol.

On connaît maintenant le plan de M. de Cazalis. Il venait voir Blanche chaque jour, le matin, accompagné d’un docteur qui le renseignait quotidiennement sur les progrès de la grossesse.

Lorsqu’elle hasardait quelques