Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

V

Où Blanche dit adieu au monde


Blanche resta trois semaines au lit, entre la vie et la mort. Les émotions profondes qui l’avaient secouée, la nuit de ses couches, déterminèrent une terrible fièvre qui faillit l’emporter. Pendant ces trois semaines d’agonie, elle eut à son chevet Fine et l’abbé Chastanier. M. de Cazalis, en partant, avait congédié Mme Lambert, inutile désormais, et la porte de la petite maison s’ouvrait de nouveau devant la bouquetière. Aucun gardien ne veillait plus sur l’accouchée, son oncle s’était contenté de remettre sa nièce entre les mains du vieux prêtre, et il comptait bien, à son retour à Marseille, la trouver ensevelie au fond de quelque couvent.

Peu à peu, Blanche se rétablit. Les soins tendres et dévoués qu’elle recevait, les souffles âpres et sains de la mer qui entraient librement par ses fenêtres, l’obligèrent à vivre, malgré le secret désir qu’elle éprouvait de mourir, de quitter ce monde où elle avait déjà tant pleuré. Lorsque le médecin lui annonça qu’elle était sauvée, elle tourna vers Fine ses grands yeux tristes de malade, et, avec un pâle sourire :

« J’aurais été si bien dans la terre ! dit-elle. Il faut donc souffrir encore.

– Voulez-vous ne pas dire cela ! s’écria la jeune fille. Les morts ont froid, allez ! Aimez, faites le bien, et vous aurez toute une vie heureuse devant vous ! »