Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/316

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Fine, qui s’aperçut de son trouble, dissipa sa terreur et calma la fièvre de ses souvenirs, en lui disant de sa voix calme :

« Allons, entrez... Votre fils est là. »

Blanche franchit vivement le seuil de la maison. Son fils devait la défendre contre le passé. Dès qu’elle eut fait trois pas dans la première pièce, une grande salle rustique et enfumée, elle se trouva devant un berceau. Elle se pencha sur l’enfant qui dormait et le contempla longtemps sans l’éveiller. La mégère, assise près de la porte, tricotait un bas en chantant à demi-voix un air doux et lent de Provence.

Et, comme le crépuscule tombait, Blanche posa un baiser sur le front de l’enfant. Elle pleurait, ses larmes chaudes éveillèrent le pauvre petit qui tendit les bras en se plaignant vaguement. La mère sentit son cœur défaillir. Son devoir ne la retenait-il pas près de ce berceau ? Avait-elle le droit de se réfugier dans le sein de Dieu ? Mais elle eut peur de céder à des désirs inavoués, à des espérances folles. Alors, elle se dit qu’elle avait péché et qu’elle devait être punie, elle crut entendre une voix qui lui criait : « Ton châtiment sera d’être privée des caresses de ton enfant ! » Et elle s’enfuit, en sanglotant, après avoir couvert de baisers le visage de celui qu’elle se condamnait à ne plus revoir.

Désormais, la jeune femme était bien morte à tous les amours, elle venait de briser le dernier lien qui l’attachait à ce monde. Cette crise suprême la débarrassa de sa chair. Elle devint tout âme.

En revenant à Marseille, elle remit à Fine les papiers qui constataient l’identité de son fils. Le lendemain, elle partit pour une petite ville du département du Var, où elle entra dans un orphelinat, ainsi qu’elle en avait témoigné le désir.