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VIII

Le jardinier Ayasse


Philippe, depuis qu’il se cachait à Marseille, menait une vie monotone et son unique joie était d’aller, chaque soir, embrasser son fils à Saint-Barnabé. Marius, par prudence, l’avait supplié d’attendre d’être libéré pour faire de pareilles visites, car il eut mieux valu que le père et l’enfant fussent séparés jusqu’au jour où ils se seraient vus sans courir le risque de se compromettre l’un l’autre. Mais il avait dû céder devant les prières instantes de son frère ; et, pour se tranquilliser, il se disait que M. de Cazalis devait ignorer la présence à Marseille de Philippe et de son fils.

Le condamné, qui ne voyait personne, pas même Marius, venait donc chaque soir chez Ayasse et goûtait là les seules bonnes heures de sa vie. D’ordinaire, dès qu’il était arrivé, le jardinier et sa femme profitaient de sa présence pour s’absenter, pour porter à Marseille les légumes et les fruits qu’ils récoltaient. Il restait seul au logis, il poussait les verrous et jouait avec Joseph, comme un enfant. Une paix se faisait en lui, il oubliait le passé et le présent, il rêvait un avenir de félicité. Lorsqu’il était là, enfermé dans cette vieille maison, si tranquille et si douce, il ne se souvenait plus qu’il était un condamné, un misérable qu’un gendarme pouvait reconduire à la ville, les menottes aux mains ; il se croyait un paysan, un homme qui avait cultivé sa terre toute la journée et qui se reposait le soir. Ces heures sereines