Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/338

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« Eh bien ! cria celui-ci, vous voilà donc muselé ! Vous n’enlèverez plus des héritières, vous ne jetterez plus le scandale dans les familles. Ah ! ce sera un curieux spectacle que de voir le galant Philippe Cayol attaché au pilori ! »

Philippe ne répondit pas. Par dédain, pour ne pas être tenté de souffleter cet homme, il feignait, depuis qu’il était là, d’ignorer sa présence. Pendant que M. de Cazalis l’insultait, un gendarme lui mettait les menottes.

« En route ! » dit-il.

Et il fallut que Philippe marchât vers la porte. Une angoisse le serrait à la gorge, il faillit éclater en sanglots. À ce moment comme la porte était ouverte, un cri joyeux retentit au-dehors, et un homme entra en répétant : « Grâce ! grâce ! »

C’était Marius. N’ayant pas trouvé de voiture, il était venu de Marseille en courant. Il tira un pli de ses vêtements couverts de poussière, et le présenta aux gendarmes. Ce pli annonçait la grâce que le roi accordait à Philippe. Depuis un mois, on promettait cette grâce au frère du condamné, et le hasard avait voulu qu’elle vînt justement à l’heure où M. de Cazalis usait de ses derniers pouvoirs pour forcer le parquet à agir. Si Marius n’était pas accouru sur-le-champ à Saint-Barnabé, c’était qu’il avait désiré voir une dernière fois si la grâce ne serait point arrivée.

Les gendarmes prirent connaissance du pli, et ils s’inclinèrent devant cette lettre toute-puissante. Leur mission était terminée : ils n’avaient plus qu’à se retirer.

M. de Cazalis, hagard, terrifié par ce dénouement imprévu, les regarda s’éloigner avec colère, comme s’ils eussent travaillé à la liberté de son ennemi. Il se demandait, dans la folie de son désespoir s’il n’y avait pas un moyen de les forcer à conduire quand même Philippe en prison. Marius, dès son entrée, avait embrassé son frère, en lui criant :