Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/351

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

inutiles, car les papiers signés, son maître pouvait se passer de lui. Il s’arrangea de façon que Blanche lui refusât fermement sa signature.

M. de Cazalis fut exaspéré par ce refus, et il ne rêva plus que vengeance. Il ne parlait de rien moins que d’assommer les Cayol. C’était à ce degré d’irritation que le voulait Mathéus. Il se hâta de se faire donner de pleins pouvoirs. D’ailleurs, il le supplia de ne se mêler de rien, de ne pas se compromettre. Chaque soir, il venait lui faire un rapport, vrai ou faux ; il le tenait au courant des faits et gestes de ses ennemis, le calmant, l’irritant, selon le besoin, et lui promettant toujours une prompte victoire.

Deux mois s’écoulèrent. M. de Cazalis commençait à s’impatienter, disant que les Cayol étaient bien trop sages et que jamais ces gens-là ne commettraient une faute, lorsqu’un soir Mathéus entra dans son salon, d’un air vainqueur, en se frottant les mains.

« Qu’y a-t-il de nouveau ? » demanda vivement l’ancien député à son complice.

Mathéus ne répondit pas sur-le-champ. Il s’était assis commodément dans un large fauteuil, il cligna les yeux, les mains sur le ventre, d’une façon béate. Ce taquin traitait d’égal à égal l’illustre descendant des de Cazalis.

« Que pensez-vous de la république ? demanda-t-il brusquement à son maître d’une voix goguenarde. C’est une belle invention des hommes, n’est-ce pas ? »

Le maître haussa les épaules. Il tolérait l’impudence de ce gueux qui goûtait souvent un secret plaisir à le blesser.

« Vous savez que la monarchie est morte et enterrée, reprit ce dernier railleusement. Il y a vingt-quatre heures que nous sommes citoyens, et il me prend des envies de vous tutoyer. »

M. de Cazalis, depuis plusieurs mois, suivait les événements politiques d’un œil fort indifférent. Il avait appris la veille la chute de Louis-Philippe, sans même s’arrêter à cette nouvelle. Autrefois lorsqu’il était député