Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/352

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de l’opposition, et qu’il cherchait à ébranler ce trône que le peuple venait de briser, il aurait applaudi à cet événement, quitte à chercher ensuite les moyens les plus prompts de museler la canaille, nom qu’il donnait d’ordinaire aux ouvriers. Mais, aujourd’hui, son seul souci était d’arriver à conserver la fortune de sa nièce et à pouvoir la manger impunément.

Lorsqu’il entendit Mathéus dire qu’il lui prenait envie de le tutoyer, il eut cependant un mouvement de révolte.

« Ne plaisantons pas, dit-il sèchement. Voyons, quelles nouvelles avez-vous ? »

Mathéus garda son attitude insolente.

« Eh ! eh ! dit-il en ricanant, comme vous parlez brusquement à un de vos frères, car vous savez que nous sommes tous frères ! Cela est écrit sur les drapeaux... Oh ! la république est une belle chose !

– Au fait. Que savez-vous ? d’où venez-vous ?

– Je sais que nous ferons peut-être des barricades un de ces jours, et je viens du club des Travailleurs, dont je suis un des membres les plus populaires... Il est regrettable, monsieur, que vos opinions vous empêchent de venir m’entendre. J’ai prononcé ce matin un discours contre les légitimistes, qui a obtenu tous les suffrages. D’ailleurs, je puis vous donner quelques échantillons de mon éloquence. »

Et Mathéus se leva et se tint debout, une main sur le cœur, l’autre tendue en avant, comme un homme qui va parler.

M. de Cazalis comprit que son digne compère avait à lui apprendre une bonne nouvelle et qu’il lui faisait payer cette nouvelle en s’amusant à ses dépens. Il appartenait à cet homme, il se vit forcé d’accepter ses ricanements, jusqu’à ce qu’il lui plût de tout dire. Par lâcheté pour flatter ce coquin qui jouait avec lui comme avec une proie, il s’abaissa même jusqu’à sourire de ses grimaces de saltimbanque, espérant ainsi le décider à parler plus tôt.