Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/362

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de la journée furent-ils foudroyants pour lui. Toutes les prédictions de M. Martelly s’accomplissaient. Non seulement il n’était pas nommé, mais encore le parti de la réaction l’avait emporté complètement. Sur dix représentants élus, il y avait à peine trois républicains radicaux ; et les autres appartenaient au parti conservateur, surtout au parti légitimiste.

Dès lors, Philippe vécut dans une irritation continuelle. Il voyait clairement l’inutilité de ses efforts, et il s’acharnait à une tâche maudite qui ne pouvait le conduire qu’au malheur. Chaque jour, le parti qu’il soutenait essuyait une nouvelle défaite. La réaction grandissait. Un journal alla jusqu’à prêcher ouvertement la décentralisation politique, pour échapper à ce qu’il nommait la dictature révolutionnaire de Paris. L’autorité supérieure, faible et impuissante, faisait de continuelles concessions. Si un roi avait débarqué sur la Cannebière, la ville entière l’eût acclamé.

Les républicains protestaient vainement contre l’organisation de la garde nationale, dont les compagnies étaient uniquement composées de bourgeois riches et par conséquent conservateurs. Il y avait, dans cette organisation, un danger permanent de guerre civile. Le jour où le peuple et les gardes nationaux se rencontreraient, il y aurait un choc, forcément. Philippe, dans ses heures de colère et de désespoir, prévoyait cette rencontre fatale, il goûtait une joie sombre à rêver une lutte à main armée. En attendant, il fraternisait avec le peuple, il était de tous les banquets, il se grisait de rhétorique. Après les élections, il avait donné sa démission à M. Martelly, afin de vivre librement dans les rues, au milieu des événements de chaque jour. Il ne savait comment tout cela finirait, il nourrissait seulement le vague espoir d’un combat d’où le peuple sortirait vainqueur. Alors la République triompherait, les ouvriers commanderaient à leur tour.

Deux mois se passèrent. On arriva ainsi vers le milieu de juin.