Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/374

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Le lieutenant feignit de ne pas avoir entendu. Au bout d’un instant :

« C’est ici, reprit Mathéus, qu’on ferait de belles barricades ! Voyez donc, la place semble avoir été disposée tout exprès. »

Le lieutenant regarda complaisamment autour de lui, et finit par se décider à parler.

« Oui, oui, dit-il, il n’y aurait que quelques ruelles à boucher. Les ouvriers sont nos frères, ce n’est pas nous autres qui lutterons contre eux. »

Mathéus, que le lieutenant prenait pour un terrassier, lui serra énergiquement la main et se sauva en courant. Le hasard venait de le servir : désormais, il tenait en entier son plan de campagne. Il arriva essoufflé chez M. de Cazalis.

« Tout va bien, lui cria-t-il, je réponds du succès. »

Il s’aperçut alors que M. de Cazalis portait un uniforme de garde national.

« Pourquoi ce carnaval ? lui demanda-t-il avec surprise. Je venais vous conseiller de ne pas vous montrer.

– Je ne puis rester en place, répondit l’ancien député, je suis trop impatient, Je veux voir par moi-même... Descendons. »

Ils descendirent, et Mathéus raconta sa matinée à son maître. Comme ils approchaient de la préfecture, ils entendirent un bruit sourd et terrible, le grondement naissant de l’émeute.