Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/378

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été dans une loge, égayés par les farces d’un acteur.

Aux premiers coups de baïonnettes qui furent portés, les ouvriers eurent des cris de rage et de terreur. Cette foule qui était restée silencieuse devint folle en se voyant attaquée, sans avoir été avertie par aucune sommation légale. Elle n’avait que ses poings pour se protéger contre les fusils qui la menaçaient.

Philippe ne fut pas blessé, grâce à Marius qui le retint, au moment où il commettait la folie de se jeter en avant, les poings fermés. Autour de lui, quelques ouvriers furent atteints légèrement. Un seul eut le bras traversé. Des gestes furieux dominaient les têtes qui hurlaient et s’agitaient.

Au commandement du général, les soldats avaient relevé leurs baïonnettes et reculé pas à pas. Mais la foule s’était brusquement arrêtée, en se voyant sans armes. D’un bout à l’autre, un frémissement secouait la colonne. Et, brusquement, elle se débanda, elle se jeta dans les rues latérales en criant : « Vengeance ! Vengeance ! On assassine nos frères ! »

Ce fut, pendant un instant, un bruit terrible ; puis, les clameurs se perdirent : les ouvriers s’éloignaient, cherchant des armes, appelant à leur aide, semant l’épouvante et la colère dans chaque rue, poussant toujours le cri douloureux et formidable : « On assassine nos frères ! Vengeance ! Vengeance ! »

À ce moment, M. de Cazalis et Mathéus descendaient le cours Bonaparte. Le grondement sourd qu’ils entendaient était le galop de la populace. Mathéus comprit que tout se gâtait, et il se frotta joyeusement les mains. Pour savoir à quoi s’en tenir, il arrêta un paisible bourgeois qui fuyait, épouvanté, ayant hâte de s’enfermer chez lui.

« Oh ! monsieur, lui dit le bourgeois en balbutiant, on se tue là-bas. Les soldats ont marché sur le peuple... Le peuple va mettre le feu à la ville, c’est sûr. »

Et il se sauva, croyant voir des flammes derrière lui.

« Eh bien ! que vous disais-je ? dit Mathéus à M. de