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XV

Où Mathéus achève de tout gâter


Les délégués, qui étaient parvenus à pénétrer jusqu’au commissaire du gouvernement, n’avaient pu obtenir de lui qu’une lettre dans laquelle il donnait satisfaction au désir des ouvriers de ne travailler que dix heures par jour. Mais cette lettre arrivait trop tard. Les délégués eurent beau la montrer aux groupes qu’ils rencontrèrent, le mot de vengeance était dans toutes les bouches, le peuple déclarait que le sang demandait du sang.

D’ailleurs, comme il arrive d’ordinaire, les causes de la lutte qui se préparait échappaient au plus grand nombre. La majorité de la population ignorait le but de l’émeute ; il y avait de la rage et de la terreur dans l’air, et c’était tout. Tandis que le rappel battait funèbrement dans les rues, et que les gardes nationaux se rendaient en hâte à leur poste, chacun s’interrogeait, ne sachant quel était l’ennemi contre lequel on s’armait. Une compagnie, composée de portefaix, refusa de marcher, ayant entendu dire que cet ennemi était le peuple ; malgré les espérances qu’on avait peut-être conçues, ces ouvriers ne voulaient pas tirer sur des ouvriers.

Le peuple se révoltait, telle était la seule certitude qui courait dans la foule. Pourquoi se révoltait-il, que voulait-il ? Personne n’aurait pu répondre. Les ouvriers eux-mêmes n’obéissaient plus aux motifs qui les avaient amenés devant la Préfecture ; ils se laissaient