Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/398

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fusil contre un mur. Les mains dans les poches, il flânait au milieu des groupes, comme un bon bourgeois, il avait un air si tranquille, que les ouvriers qui l’avaient vu jouant la comédie de la colère ne le reconnaissaient point. Il finit par monter sur les marches d’une maison, d’où il suivit attentivement la scène qui se passait sur la place. Il cherchait du regard Philippe et Marius.

« Vous viendrez dans la souricière, mes petits, pensait-il en souriant d’un sourire silencieux. Mes pièges sont trop bien tendus. Ah ! vous vouliez mettre l’enfant en sûreté. Eh ! niais que vous êtes, vous l’avez jeté dans mes bras... Vous allez accourir pour le protéger, ce cher amour, et vous serez pincés avec lui. Voilà ! »

Il regardait toujours, il n’avait aucune impatience. Il savait que ceux qu’il attendait ne pouvaient manquer de venir. Lorsque les deux frères débouchèrent de la Grand-Rue, il se contenta de hausser les épaules et de murmurer : « Eh ! je le savais bien. »

Puis, il ne les quitta plus du regard. Il les suivit dans la foule et vit Marius monter près de Fine, tandis que Philippe se mêlait aux insurgés.

« Allons, c’est parfait, murmura-t-il encore. Je serai peut-être forcé de tuer le petit jeune homme... Quant au grand niais, son affaire est faite : si les gardes nationaux ne l’envoient pas pourrir dans la terre, nous nous arrangerons pour que les tribunaux l’envoient pourrir dans une prison. »

Il descendit et vint rôder autour de Philippe, par curiosité. L’heure où il devait agir n’était pas venue. Il se croyait au spectacle, ses instincts étaient doucement chatouillés par l’espérance d’assister à un massacre. En attendant de pouvoir accomplir le rapt dont il s’était chargé, il résolut de s’amuser à voir tuer les gens.

Cependant, les insurgés s’étaient remis aux barricades. Peu à peu, ils avaient amassé sur la place une quantité de matériaux assez considérable. Il y avait là un pêle-mêle, un entassement d’objets sans nom, qu’ils