Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/417

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capitaine, dans les graves événements qui se passaient. Mais, lorsqu’il avait vu qu’on se battait pour tout de bon, sa pitié bourgeoise s’était éveillée ; et il regardait les hommes tomber autour de lui d’un air larmoyant et effrayé. Il eût voulu pouvoir arrêter la lutte, d’abord pour ne plus courir le risque d’attraper quelque balle, ensuite pour s’éviter le spectacle désagréable d’une bataille. Il n’aurait pas tué une mouche, il ne songeait qu’à assurer sa sécurité personnelle et à venir en aide aux amis qu’il pouvait avoir dans la bagarre.

Par un hasard, il se trouvait caché sous la même porte que M. de Cazalis. Il reconnut l’ancien député et retint un geste d’étonnement. Connaissant la haine qui l’animait contre les Cayol, il expliqua sa présence en cet endroit, sous un déguisement, par une pensée de vengeance. Il avait vu Philippe sur la barricade, il se mit à surveiller M. de Cazalis, qui, le fusil en arrêt, semblait attendre. Le républicain s’étant dressé pour recharger son arme, le légitimiste épaula vivement et lâcha son coup de feu. Mais Sauvaire, feignant de trébucher, l’avait heurté, et la balle alla s’aplatir sur la façade d’une maison.

M. de Cazalis exaspéré n’osa injurier le capitaine, sous les ordres duquel il s’était rangé volontairement. Il glissa une nouvelle cartouche dans son fusil, en dévorant sa rage, tandis que Sauvaire se disait :

« Eh ! que diable ! les Cayol sont mes amis, le petit Marius m’a fait bien rire autrefois, avec la Clairon... Je ne les laisserai pas tuer comme cela... Ouvrons l’œil. »

Et, dès ce moment, il oublia qu’il était capitaine, il ne songea plus qu’à faire plaisir au petit Marius en sauvant Philippe.

Ce dernier ne se doutait guère du danger auquel il venait d’échapper. Enfiévré par la lutte, il se battait en désespéré. Ses incertitudes s’en allaient, il croyait défendre son enfant. Il tirait sur les troupes parce que les troupes tiraient sur la maison où se trouvaient Fine et Joseph. C’était là son grand désespoir. À chaque