Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/432

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trouvait un écho dans leur poitrine. Jamais une émotion si poignante ne les avait serrés à la gorge. Ils suivaient les diverses phases du siège avec une anxiété douloureuse. Leur plus grande souffrance était encore leur impuissance : ils ne pouvaient courir au secours de ceux qu’ils croyaient menacés, il leur fallait assister inutiles à cette attaque d’une foule furieuse.

Tout d’un coup, Philippe poussa un cri de rage. Il venait d’apercevoir Mathéus au premier rang des assiégeants. Il le montra à son frère.

« Ah ! le misérable ! murmura-t-il sourdement, j’aurais dû le laisser pendre. Il se sera sauvé, il est là pour voler Joseph. »

Il se tournait, lorsqu’un nouveau cri lui échappa. Du doigt, il désigna à Marius un garde national qui se cachait à demi derrière un arbre de la place. Il ne put prononcer que ce nom, d’une voix étranglée :

« Cazalis ! »

Et il ajouta en épaulant son fusil :

« Je n’ai plus qu’une balle, elle sera pour lui. »

Il allait lâcher le coup. Marius lui arracha l’arme des mains, en lui disant :

« Pas de meurtre inutile ! Nous aurons peut-être besoin de cette balle... C’est un véritable guet-apens. »

Au même instant, la porte cédait sous les coups de hache.

« Montons plus haut », reprit Marius.

Ils montèrent jusqu’au troisième étage. Là, un spectacle terrible les attendait. Ils avaient juste en face d’eux la fenêtre de la chambre où se trouvaient Fine et Joseph. Ils virent la jeune femme qui se tordait les mains, ils ne purent lui crier, au milieu du tumulte qu’ils veillaient sur elle. Et ils assistèrent ainsi, pâles et tremblants, à l’épisode du rapt. Quand Fine voulut descendre, ils la suivirent du regard dans l’escalier, dont chaque palier avait une fenêtre qui donnait sur la rue. Puis, ils la virent remonter, reculant devant Mathéus. Puis, Mathéus était entré dans la chambre