Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/436

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« J’ai une idée, dit-il. Viens, Cadet. »

Les deux hommes descendirent rapidement. Pendant près de cinq minutes, M. de Girousse et les autres les attendirent dans des transes poignantes. Enfin, ils revinrent. Ils portaient chacun un paquet de vêtements.

Cadet fit signe à Marius et à Philippe d’ouvrir la fenêtre derrière laquelle ils se cachaient à demi. Lorsqu’ils eurent compris et obéi, le jeune homme leur lança les deux paquets avec une adresse et une force rares. Les soldats, occupés en bas à regarder si la porte ne se décidait pas à tomber, ne virent point ces masses noires qui passaient sur leurs têtes.

Telle était l’idée de Sauvaire. Il était allé, accompagné de Cadet, dans une ambulance où l’on avait couché une douzaine de gardes nationaux blessés, et là il avait tranquillement volé deux uniformes complets, au milieu du trouble des pansements et des amputations.

Philippe et Marius sentaient toute la gravité de leur situation. Ils allaient se décider à tenter la fuite par les toits, lorsqu’ils comprirent que leurs amis s’occupaient de leur salut. Dès qu’ils eurent les vêtements, ils montèrent en toute hâte dans les greniers, où ils s’habillèrent en gardes nationaux. Ils avaient à peine jeté leurs propres habits par une fenêtre donnant sur une cour voisine, qu’ils entendirent craquer la porte d’entrée. Ils se cachèrent et se mêlèrent adroitement au flot des assiégeants. Pendant quelques minutes, ils les aidèrent même à faire des recherches qui demeurèrent forcément inutiles ; puis, sans paraître se presser, ils gagnèrent la rue.

En bas, ils trouvèrent M. de Girousse et Sauvaire qui les attendaient. Un peu plus loin, sur la place, se tenaient Cadet et Fine, accompagnés de M. Martelly et de l’abbé Chastanier. La jeune femme, qui portait le petit Joseph, avait voulu retourner tout de suite au logement du cours Bonaparte. Dès qu’elle aperçut Marius et Philippe dans la rue, elle s’éloigna, ne pouvant s’empêcher