Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/444

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de loin en loin d’effrayants accès de colère. Une année s’était écoulée, et il entendait toujours à ses oreilles les paroles d’indignation et de mépris du vieux comte. Ces paroles l’étouffaient, il aurait voulu se soulager en se vengeant sur quelqu’un. Comprenant qu’il ne pouvait s’attaquer à M. de Girousse, il souhaitait de se trouver face à face avec Philippe, pour en finir pour le tuer ou être tué par lui.

Il ne songeait plus à l’argent, il avait perdu ses appétits de luxe et de puissance. Depuis qu’il savait que les Cayol abandonnaient la fortune de sa nièce, cette fortune lui était devenue indifférente. Il ne lui restait au cœur qu’un immense besoin de laver les mépris de M. de Girousse dans le sang d’un ennemi.

Et, brusquement, il rencontrait Philippe, dans un lieu désert au fond de ce bois qui lui appartenait. Il était sorti, la tête basse cherchant un moyen pour arriver à son but, et le hasard le mettait en face de celui qu’il appelait de tous les vœux de sa colère.

Les deux hommes se regardèrent un instant en silence. Ils s’étaient courbés tous deux, comme près de se sauter à la gorge. Puis, ils eurent honte de se surprendre chacun dans une attitude de bête fauve. Ils voulurent se traiter en bêtes civilisées.

« Je vous cherche depuis un an, dit enfin M. de Cazalis. Vous me gênez et je vous gêne. Il faut que l’un de nous disparaisse.

– Je suis de votre avis, répondit Philippe.

– J’ai des armes dans cette maison. Attendez-moi. Dans quelques minutes, je suis à vous.

– Non, nous ne pouvons nous battre ainsi. Si je vous tuais, on m’accuserait d’assassinat. Il nous faut des témoins.

– Et où voulez-vous que nous en prenions ?

Dans deux heures, nous pouvons chacun être de retour de Marseille avec deux de nos amis.

– Soit. Le rendez-vous est pour midi, à cette même place.