Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/52

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le mari de Blanche, il avait enlevé une héritière pour être jeté en prison : au dénouement, au lieu de l’heureuse existence qu’il avait rêvée, il trouvait un cachot. Alors une pensée de lâcheté lui vint : il songeait à laisser là sa maîtresse et à s’enfuir du côté de Vauvenargues, dans les gorges de Sainte-Victoire ; peut-être pourrait-il s’échapper par une fenêtre donnant sur le derrière du bastidon. Il se pencha vers Blanche, et, en balbutiant, à voix basse, il lui dit son projet. La jeune fille que les sanglots étouffaient, ne l’entendit pas, ne le comprit pas. Il vit avec angoisse qu’elle n’était pas en état de protéger sa fuite.

À ce moment, il entendit le bruit sec des crochets que le serrurier introduisait dans la serrure. Le drame poignant qui venait de se passer dans cette chambre nue, avait duré au plus une minute.

Il se sentit perdu, et son orgueil irrité lui rendit le courage. S’il avait eu des armes, il se serait défendu. Puis, il se dit qu’il n’était point un ravisseur, que Blanche l’avait suivi volontairement, et qu’après tout la honte n’était pas pour lui. C’est alors qu’il poussa le volet avec colère, demandant ce qu’on lui voulait.

« Ouvrez-nous la porte, commanda le commissaire. Nous vous dirons ensuite ce que nous désirons. »

Philippe descendit et ouvrit la porte.

« Êtes-vous le sieur Philippe Cayol ? reprit le commissaire.

– Oui, répondit le jeune homme avec force.

– Alors, je vous arrête comme coupable de rapt. Vous avez enlevé une jeune fille de moins de seize ans, qui doit être cachée avec vous. »

Philippe eut un sourire.

« Mlle Blanche de Cazalis est en haut, dit-il, elle pourra déclarer s’il y a eu violence de ma part. Je ne sais ce que vous voulez dire en parlant de rapt. Je devais, aujourd’hui même, aller me jeter aux genoux de M. de Cazalis et lui demander la main de sa nièce. »