Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/55

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pouvait être accusé d’enlèvement, et que Blanche serait toujours là pour le défendre. Il en vint à croire naïvement qu’il devait se rendre chez M. de Cazalis pour lui demander, au nom de son frère la main de sa nièce.

Le lendemain matin, il s’habilla tout de noir, et il descendait lorsque Fine se présenta comme à son ordinaire. La pauvre fille devint toute pâle, lorsque Marius lui eut fait connaître le motif de sa sortie.

« Me permettez-vous de vous accompagner ? demanda-t-elle d’une voix suppliante. J’attendrai en bas la réponse de la demoiselle et de son oncle. »

Elle suivit Marius. Arrivé au cours Bonaparte, le jeune homme entra d’un pas ferme dans la maison du député, et se fit annoncer.

La colère aveugle de M. de Cazalis était tombée. Il tenait sa vengeance. Il allait pouvoir prouver sa toute-puissance en écrasant un de ces républicains qu’il détestait. Maintenant, il ne désirait plus que goûter la joie cruelle de jouer avec sa proie. Aussi donna-t-il l’ordre d’introduire M. Marius Cayol. Il s’attendait à des larmes, à des supplications ardentes.

Le jeune homme le trouva au milieu d’un grand salon, debout, l’air hautain. Il s’avança vers lui, et, sans lui laisser le temps de parler, d’une voix calme et polie :

« Monsieur, lui dit-il, j’ai l’honneur de vous demander, au nom de mon frère, M. Philippe Cayol, la main de Mlle Blanche de Cazalis, votre nièce. » Le député fut littéralement foudroyé. Il ne put se fâcher, tant la demande de Marius lui parut d’une extravagance grotesque. Se reculant, regardant le jeune homme en face, riant avec dédain :

« Vous êtes fou, monsieur, répondit-il. Je sais que vous êtes un garçon laborieux et honnête, et c’est pour cela que je ne vous fais pas jeter à la porte… Votre frère est un scélérat, un coquin qui sera puni comme il le mérite… Que voulez-vous de moi ? »