Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/57

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M. de Cazalis n’avait pas perdu son temps. Dès que sa nièce fut en son pouvoir, il pesa sur elle de tout son entêtement et de tout son orgueil. Elle seule pouvait lui faire gagner la partie. Il fallait qu’elle mentît, qu’elle étouffât les révoltes de son coeur, qu’elle fût entre ses mains un instrument complaisant et passif.

Pendant quatre heures, il la tint sous ses paroles froides et aiguës. Il ne commit pas la maladresse de s’emporter. Il parla avec une hauteur écrasante, rappelant l’ancienneté de sa race, étalant sa puissance et sa fortune. Habilement, il fit d’un côté le tableau d’une mésalliance ridicule et vulgaire, puis montra de l’autre les joies nobles d’un riche et grand mariage. Il attaqua la jeune fille par la vanité, il la fatigua, la brisa, l’hébéta, la rendit telle qu’il la voulait, souple et inerte.

Au sortir de ce long entretien, de ce long martyre, Blanche était vaincue. Peut-être, sous les paroles accablantes de son oncle, son sang de patricienne s’était-il enfin révolté au souvenir des caresses brutales de Philippe ; peut-être ses rêveries d’enfant s’étaient-elles éveillées, en entendant parler de toilettes luxueuses, d’honneurs de toutes sortes, de délicatesses mondaines. D’ailleurs, elle avait la tête trop malade, le coeur trop lâche pour résister à cette volonté terrible. Chaque phrase de M. de Cazalis la frappait, l’écrasait, mettait en elle une anxiété douloureuse. Elle ne se sentait plus la puissance de vouloir. Elle avait aimé et suivi Philippe par faiblesse ; maintenant, elle allait se tourner contre lui également par faiblesse : c’était toujours la même âme timide. Elle accepta tout, elle promit tout. Elle avait hâte d’échapper au poids étouffant dont les discours de son oncle l’écrasaient.

Lorsque Marius l’entendit faire son étrange déclaration, il demeura stupide, épouvanté. Il se rappelait l’attitude de la jeune fille chez le jardinier Ayasse, il la revoyait pendue au cou de Philippe, toute pâmée, confiante et amoureuse.

« Ah ! mademoiselle, s’écria-t-il avec amertume,