Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/79

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un pauvre diable, coupable d’amour et d’ambition.

Philippe avait aussi des amis, des défenseurs. Tout le peuple se déclarait franchement pour lui. Les basses classes blâmaient sa conduite, réprouvaient les moyens qu’il avait employés, disaient qu’il aurait mieux fait d’aimer et d’épouser une simple bourgeoise comme lui ; mais, tout en condamnant ses actes, elles le détendaient bruyamment contre l’orgueil et la haine de M. de Cazalis. On savait dans la ville que Blanche, chez le juge d’instruction, avait renié son amour, et les filles du peuple, vraies Provençales dévouées et courageuses, la traitaient avec un mépris insultant. Elles l’appelaient la « renégate » ; elles cherchaient à sa conduite des motifs honteux et ne se gênaient pas pour crier leur opinion sur les places, dans le langage énergique des rues. Ce tapage compromettait singulièrement la cause de Philippe. La ville entière était dans le secret du drame qui allait se jouer. Ceux qui avaient intérêt à faire condamner l’accusé, ne prenaient même pas la peine de cacher leurs démarches, étant certains du triomphe, ceux qui auraient voulu le sauver, se sentant faibles et sans armes, se soulageaient en criant, heureux d’irriter les gens puissants qu’ils n’avaient pas l’espérance de vaincre.

M. de Cazalis avait, sans honte, traîné sa nièce jusqu’à Aix. Pendant les premiers jours, il prit comme une joie orgueilleuse à la promener sur le Cours. Il protestait par là contre l’idée de déshonneur que la foule attachait à la fuite de la jeune fille ; il semblait dire à tous : « Vous voyez qu’un manant ne saurait déshonorer une Cazalis. Ma nièce vous domine encore du haut de son titre et de sa fortune. »

Mais il ne put continuer longtemps de pareilles promenades. La foule s’irrita de son attitude, elle insulta Blanche, elle faillit jeter des pierres à l’oncle et à la nièce. Les femmes surtout se montrèrent acharnées ;