Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/87

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à son hôtel, dont la porte se trouvait ouverte. Pendant le trajet, elle n’avait pas prononcé une parole.

Blanche la força à entrer dans le vestibule, et là, poussant la porte à demi :

« Oh ! mademoiselle, dit-elle d’une voix émue, que je vous remercie d’être venue à mon secours !… Ces méchantes femmes allaient me tuer.

– Ne me remerciez pas, répondit Fine avec brusquerie. J’étais venue comme les autres pour vous insulter, pour vous battre.

– Vous !

– Oui, je vous hais, je voudrais que vous fussiez morte au berceau. » Blanche regardait la bouquetière avec étonnement. Elle s’était redressée, ses instincts aristocratiques se révoltaient maintenant et ses lèvres se plissaient légèrement de dédain. Les deux jeunes filles se trouvaient face à face, l’une avec toute sa grâce frêle l’autre sa beauté énergique. Elles se contemplaient, silencieuses sentant gronder en elles la rivalité de leur race et de leur cœur.

« Vous êtes belle, vous êtes riche, reprit Fine avec amertume. Pourquoi êtes-vous venue me voler mon amant, puisque vous ne pouviez avoir plus tard pour lui que du mépris et de la colère ? Il fallait chercher dans votre monde, vous auriez trouvé un garçon aussi pâle et aussi lâche que vous, qui aurait contenté vos amours de petite fille… Voyez-vous, ne prenez pas nos hommes, ou nous déchirerons vos visages roses.

– Je ne vous comprends pas, balbutia Blanche que la peur reprenait.

– Vous ne comprenez pas… Écoutez. J’aimais Philippe. Il venait m’acheter des roses, le matin, et mon cœur battait à se rompre, lorsque je lui remettais mes bouquets. Je sais à présent où allaient ces fleurs. On m’a dit un jour qu’il s’était enfui avec vous. J’ai pleuré, puis j’ai pensé que vous l’aimeriez bien et qu’il serait