Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/124

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L’horloge de la gare, dont un réflecteur éclairait le cadran, marquait trois heures vingt. Et, sous la marquise qui couvrait le quai, long d’une centaine de mètres, des ombres allaient et venaient, résignées à l’attente. Au loin, dans la campagne noire, on ne voyait que le feu rouge d’un signal.

Deux des promeneurs s’arrêtèrent. Le plus grand, un père de l’Assomption, le révérend père Fourcade, directeur du pèlerinage national, arrivé de la veille, était un homme de soixante ans, superbe sous la pèlerine noire à long capuchon. Sa belle tête aux yeux clairs et dominateurs, à l’épaisse barbe grisonnante, était celle d’un général qu’enflamme la volonté intelligente de la conquête. Mais il traînait un peu la jambe, pris subitement d’un accès de goutte, et il s’appuyait à l’épaule de son compagnon, le docteur Bonamy, le médecin attaché au bureau de la constatation des miracles, un petit homme trapu, à la figure rasée, aux yeux ternes et comme brouillés, dans de gros traits paisibles.

Le père Fourcade avait interpellé le chef de gare, qui sortait de son bureau en courant.

— Monsieur, est-ce que le train blanc a beaucoup de retard ?