Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/144

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Et, justement, je compte y retourner, cette année, de sorte que si vous voulez bien être des nôtres…

— Comment donc, monsieur !… Nous en recauserons. Mille fois merci !

Sa fille l’appelait, il la rejoignit, après un cordial échange de saluts. Pierre avait décidé qu’il traînerait Marie jusqu’à l’Hôpital, pour lui éviter le transbordement dans une autre voiture. Les omnibus, les landaus, les tapissières revenaient déjà, obstruant de nouveau la cour, attendant le train vert ; et il eut quelque peine à gagner la route, avec le petit chariot, dont les roues basses entraient dans la boue, jusqu’aux moyeux. Des agents de police, chargés du service d’ordre, pestaient contre cet affreux gâchis qui éclaboussait leurs bottes. Seules, les raccoleuses, les vieilles et les jeunes, brûlant de louer leurs chambres, se moquaient des flaques, les traversaient avec leurs sabots, à la poursuite des pèlerins.

Comme le chariot roulait plus librement sur la route en pente, Marie leva la tête pour demander à M. de Guersaint, qui marchait près d’elle :

— Père, quel jour sommes-nous aujourd’hui ?

— Samedi, ma mignonne.

— C’est vrai, samedi, le jour de la sainte Vierge… Est-ce aujourd’hui qu’elle me guérira ?

Et, derrière elle, furtivement, sur une civière couverte, deux porteurs descendaient le cadavre de l’homme, qu’ils étaient allés prendre au fond de la salle des messageries, dans l’ombre des tonneaux, pour le conduire en un lieu secret que le père Fourcade venait de désigner.