Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/164

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— Voulez-vous que je reste ici, à votre disposition, pour vous conduire tout à l’heure aux piscines ?

Mais, quand elle eut compris, elle refusa d’un signe de tête. Puis, fiévreuse :

— Non, non ! je ne veux pas être baignée ce matin… Il me semble qu’il faut être si digne, si pure, si sainte, avant de tenter le miracle !… Cette matinée entière, je veux le solliciter à mains jointes, je veux prier, prier de toute ma force, de toute mon âme…

Elle suffoquait, elle ajouta :

— Ne venez me reprendre qu’à onze heures, pour retourner à l’Hôpital. Je ne bougerai pas d’ici.

Pierre, pourtant, ne s’éloigna pas, demeura près d’elle. Un instant, il se prosterna ; et il aurait voulu, lui aussi, prier avec cette foi brûlante, demander à Dieu la guérison de cette enfant malade, qu’il aimait d’une si fraternelle tendresse. Mais, depuis qu’il était devant la Grotte, il sentait un singulier malaise le gagner, une sourde révolte qui gênait l’élan de sa prière. Il voulait croire, il avait espéré toute la nuit que la croyance allait refleurir en son âme, comme une belle fleur d’ignorance et de naïveté, dès qu’il s’agenouillerait sur la terre du miracle. Et il n’éprouvait là que gêne et inquiétude, en face de ce décor, de cette statue dure et blafarde dans le faux jour des cierges, entre la boutique aux chapelets, pleine d’une bousculade de clientes, et la grande chaire de pierre, d’où un père de l’Assomption lançait des Ave à pleine voix. Son âme était-elle donc desséchée à ce point ? Aucune rosée divine ne pourrait-elle donc la tremper d’innocence, la rendre pareille à ces âmes de petits enfants, qui se donnent tout entières à la moindre caresse de la légende ?

Puis, sa distraction continua, il reconnut le père Massias, dans le religieux qui occupait la chaire. Il l’avait rencontré autrefois, il restait troublé par cette sombre