Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/165

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ardeur, cette face maigre, aux yeux étincelants, à la grande bouche éloquente, violentant le ciel pour le faire descendre sur la terre. Et, comme il l’examinait, étonné de se sentir si différent, il aperçut, au pied de la chaire, le père Fourcade, en grande conférence avec le baron Suire. Ce dernier semblait perplexe ; pourtant, il finit par approuver, d’un branle complaisant de la tête. Il y avait également là l’abbé Judaine, qui arrêta le père un instant encore : sa large face paterne exprimait, elle aussi, une sorte d’effarement ; puis, il s’inclina à son tour.

Tout d’un coup, le père Fourcade parut dans la chaire, debout, redressant sa haute taille, que l’accès de goutte dont il souffrait courbait un peu ; et il n’avait pas voulu que le père Massias, son frère bien-aimé, préféré entre tous, descendît tout à fait : il le retenait sur une marche de l’étroit escalier, il s’appuyait à son épaule.

D’une voix pleine et grave, avec une autorité souveraine qui fit régner le plus profond silence, il parla.

— Mes chers frères, mes chères sœurs, je vous demande pardon d’interrompre vos prières ; mais j’ai à vous faire une communication, j’ai à réclamer l’aide de toutes vos âmes fidèles… Ce matin, nous avons eu à déplorer un bien triste accident, un de nos frères est mort dans un des trains qui vous ont amenés, comme il touchait à la terre promise…

Il s’arrêta quelques secondes. Il semblait grandir encore, son beau visage se mit à rayonner, dans le flot royal de sa longue barbe.

— Eh bien ! mes chers frères, mes chères sœurs, malgré tout, l’idée me vient que nous ne devons pas désespérer… Qui sait si Dieu n’a pas voulu cette mort, afin de prouver au monde sa toute-puissance ?… Une voix me parle, qui me pousse à monter ici, à vous demander vos prières pour l’homme, pour celui qui n’est