Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/166

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plus et dont le salut est quand même aux mains de la très sainte Vierge, qui peut toujours implorer son divin Fils… Oui ! l’homme est là, j’ai fait apporter le corps, et il dépend peut-être de vous qu’un miracle éclatant éblouisse la terre, si vous priez avec assez d’ardeur pour toucher le ciel… Nous plongerons le corps dans la piscine, nous supplierons le Seigneur, maître du monde, de le ressusciter, de nous donner cette marque extraordinaire de sa bonté souveraine…

Un souffle glacé, venu de l’invisible, passa sur l’assistance. Tous étaient devenus pâles ; et, sans que personne eût ouvert les lèvres, il sembla qu’un murmure courait dans un frisson.

— Mais, reprit violemment le père Fourcade, qu’une réelle foi soulevait, de quelle ardeur ne faut-il pas prier ! Mes chers frères, mes chères sœurs, c’est toute votre âme que je veux, c’est une prière où vous allez mettre votre cœur, votre sang, votre vie, avec ce qu’elle a de plus noble et de plus tendre… Priez de toute votre force, priez jusqu’à ne plus savoir qui vous êtes, ni où vous êtes, priez comme on aime, comme on meurt ; car ce que nous allons demander là est une grâce si précieuse, si rare, si étonnante, que la violence de notre adoration peut seule obliger Dieu à nous répondre… Et, pour que nos prières soient efficaces, pour qu’elles aient le temps de s’élargir et de monter aux pieds de l’Éternel, ce ne sera que cette après-midi, à trois heures, que nous descendrons le corps dans la piscine… Mes chers frères, mes chères sœurs, priez, priez la très sainte Vierge, la Reine des Anges, la Consolatrice des affligés !

Et lui-même, éperdu d’émotion, reprit le rosaire, pendant que le père Massias éclatait en sanglots. Le grand silence anxieux fut rompu, une contagion gagna la foule, l’emporta en cris, en larmes, en des bégaiements désordonnés de supplication. Ce fut comme un délire