Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/194

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Nous ne cessons de provoquer l’examen des hommes de bonne volonté.

Puis, comme la prétendue guérison de la sourde se présentait fort mal, il la rudoya un peu.

— Allons, allons, ma fille, il n’y a qu’un commencement… Vous repasserez.

Et, à demi-voix :

— Si on les écoutait, toutes seraient guéries. Mais nous n’acceptons que les guérisons prouvées, éclatantes comme le soleil… Remarquez que je dis guérisons, et non pas miracles ; car, nous médecins, nous ne nous permettons pas d’interpréter, nous sommes là simplement pour constater si les malades, soumis à notre examen, n’offrent plus aucune trace de maladie.

Il se carrait, tirait du jeu son honnêteté, pas plus sot ni menteur qu’un autre, croyant sans croire, sachant la science si obscure, si pleine de surprises, que l’impossible y était toujours réalisable ; et, sur le tard de sa vie de praticien, il s’était ainsi fait à la Grotte une situation à part, qui avait ses inconvénients et ses avantages, fort douce et heureuse en somme.

Maintenant, sur une question du journaliste de Paris, il expliquait sa façon de procéder. Chaque malade du pèlerinage arrivait avec un dossier, dans lequel se trouvait presque toujours un certificat du médecin qui le soignait ; parfois même, il y avait plusieurs certificats de médecins différents, des bulletins d’hôpitaux, tout un historique de la maladie. Et, dès lors, quand une guérison venait à se produire, et que la personne guérie se présentait, il suffisait de se reporter à son dossier, de lire les certificats, pour connaître le mal dont elle souffrait, et pour constater, en l’examinant, si ce mal avait bien réellement disparu.

Pierre écoutait, attentif. Depuis qu’il était là, assis, au repos, il se calmait, il retrouvait son intelligence nette.