Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/275

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promenait sur des voitures à bras des chapelets, des médailles, des statuettes, des images pieuses. De toutes parts, on achetait, on achetait presque autant qu’on mangeait, pour rapporter un souvenir de cette kermesse sainte. Et la note vive, la gaieté de cette âpreté commerciale, de cette bousculade des camelots, venait encore des gamins, lâchés au travers de la foule, et qui criaient le Journal de la Grotte. Leur mince voix aiguë entrait dans les oreilles : « Le Journal de la Grotte ! le numéro paru ce matin ! deux sous, le Journal de la Grotte ! »

Au milieu des poussées continuelles, dans les remous du flot sans cesse mouvant, la société se trouva séparée. Raymonde et Gérard restèrent en arrière. Tous deux s’étaient mis à causer doucement, d’un air d’intimité souriante. Il fallut que madame Désagneaux s’arrêtât, les appelât.

— Arrivez donc, nous allons nous perdre !

Comme ils se rapprochaient, Pierre entendit la jeune fille dire :

— Maman est si occupée ! Parlez-lui, avant notre départ.

Et Gérard répondit :

— C’est entendu. Vous me rendez bien heureux, mademoiselle.

C’était le mariage conquis et décidé, pendant cette promenade charmante, parmi les merveilles de Lourdes. Elle, toute seule, avait achevé de vaincre, et lui, venait enfin de prendre une résolution, en la sentant à son bras si gaie et si raisonnable.

Mais M. de Guersaint, les yeux en l’air, s’écria :

— Là-haut, sur ce balcon, n’est-ce pas ces gens très riches qui ont voyagé avec nous, vous savez bien cette jeune dame malade, accompagnée de son mari et de sa sœur ?

Il parlait des Dieulafay ; et, en effet, c’étaient eux, au