Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/286

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la contagion des mauvais exemples. Et quel résultat, lorsqu’on songeait à la candide Bernadette agenouillée devant la sauvage grotte primitive, à toute la naïve foi, toute la pureté fervente des premiers ouvriers de l’œuvre ! Était-ce donc cet empoisonnement du pays par le lucre et par l’ordure humaine qu’ils avaient voulu ? Il suffisait que les peuples vinssent, pour que la peste se déclarât.

Cazaban, en voyant que Pierre écoutait, avait eu un dernier geste de menace, comme pour balayer toute cette superstition empoisonneuse. Puis, silencieux, il acheva de donner un coup de peigne à M. de Guersaint.

— Voilà, monsieur !

Et ce fut alors seulement que l’architecte parla de la voiture. Le coiffeur s’excusa d’abord, prétendit qu’il fallait aller voir son frère, au Champ commun. Enfin, il consentit à prendre la commande. Un landau à deux chevaux, pour Gavarnie, coûtait cinquante francs. Mais, heureux d’avoir tant causé, et flatté d’être traité d’honnête homme, il finit par le laisser à quarante francs. On était quatre, cela ferait dix francs par personne. Et il fut entendu qu’on partirait dans la nuit, vers trois heures, de façon à être de retour le lendemain, lundi soir, d’assez bonne heure.

— La voiture sera devant l’hôtel des Apparitions à l’heure indiquée, répéta Cazaban, de son air d’emphase. Comptez sur moi, monsieur !

Il tendit l’oreille. Les bruits de vaisselle remuée ne cessaient point, au fond de la pièce voisine. On y mangeait toujours, dans ce branle de voracité qui s’élargissait d’un bout de la ville à l’autre. Une voix venait de s’élever, demandant encore du pain.

— Pardon ! reprit vivement Cazaban, mes pensionnaires me réclament.

Les mains grasses du peigne, il se précipita. Comme