Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/302

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lumières de la procession qui arrivent sur la place du Rosaire, et je suis bien certain que la moitié des pèlerins est encore devant la Grotte.

Marie avait levé les yeux. Là-haut, en effet, du coin gauche de la Basilique, elle vit d’autres lumières surgir, régulières et sans relâche, dans cette sorte de mouvement mécanique, qui semblait devoir ne jamais s’arrêter.

— Ah ! dit-elle, que d’âmes en peine ! Chacune de ces petites flammes, n’est-ce pas ? est une âme qui souffre et qui se délivre.

Pierre devait se pencher, afin de l’entendre, car le cantique, la complainte de Bernadette, les étourdissait, depuis que le flot passait si près d’eux. Les voix éclataient dans un vertige grandissant, les couplets s’étaient peu à peu mêlés, chaque tronçon de la procession chantait le sien, d’une voix de possédés qui ne s’entendaient plus eux-mêmes. C’était une immense clameur indistincte, la clameur éperdue d’une foule que l’ardeur de sa foi achevait de griser. Et, quand même, le refrain, l’Ave, ave, ave, Maria ! revenait, dominait, avec son rythme d’obsession frénétique.

Brusquement, Pierre et Marie furent étonnés de revoir M. de Guersaint.

— Ah ! mes enfants, je n’ai pas voulu m’attarder là-haut, je viens de couper la procession à deux reprises, pour passer… Mais quel spectacle ! C’est à coup sûr la première très belle chose à laquelle j’assiste, depuis que je suis ici.

Et il se mit à leur décrire la procession, vue des hauteurs du Calvaire.

— Imaginez, mes enfants, un autre ciel, en bas, reflétant celui d’en haut, mais un ciel qu’une seule constellation, géante, tient tout entier. Ce fourmillement d’astres a l’air perdu, très loin, dans des profondeurs obscures ; et la coulée de feu représente un ostensoir,