Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/378

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carte… Et rapproche-les, dis-leur de tenir la corde fortement.

Là-bas, sous les lierres qui drapaient le roc, la Grotte s’ouvrait, avec l’éternel braisillement de ses cierges. De loin, elle apparaissait un peu écrasée, irrégulière, bien étroite et modeste pour le souffle d’infini qui en sortait, pâlissant et courbant toutes les têtes. La statue de la Vierge n’était plus qu’une tache blanche, qui semblait mouvante, dans le frisson de l’air, chauffé par les petites flammes jaunes. Il fallait se hausser, on distinguait mal, derrière la grille, l’autel d’argent, l’orgue-harmonium tiré de sa housse, le tas des bouquets jetés, les ex-voto bariolant les parois fumeuses. Et la journée était admirable, jamais encore un ciel plus pur ne s’était élargi au-dessus de l’immense foule, la douceur de la brise surtout paraissait délicieuse, après l’orage de la nuit, qui avait fait tomber la chaleur trop pesante des deux premiers jours.

Gérard dut jouer des coudes pour répéter les ordres. Des poussées se produisaient déjà.

— Encore deux hommes ici ! Mettez-vous quatre, s’il le faut, et tendez bien la corde !

C’était instinctif, invincible : les vingt mille personnes qui étaient là, se trouvaient comme attirées par la Grotte, allaient à elle, par une irrésistible attraction, où une brûlante curiosité se mêlait à la soif du mystère. Tous les yeux convergeaient, toutes les bouches, toutes les mains, tous les corps étaient emportés vers le flamboiement pâle des cierges, vers la tache blanche, mouvante de la Vierge de marbre. Et, pour que le large espace réservé aux malades, devant la grille, ne fût pas envahi par la cohue croissante, il avait fallu l’entourer d’une grosse corde, que les brancardiers tenaient des deux mains, à des intervalles de deux ou trois mètres. Ceux-ci avaient l’ordre de ne laisser passer que les