Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/385

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mains ankylosées se joignaient, des paupières trop lourdes trouvaient la force de se soulever, des voix éteintes se ranimaient, aux appels du prêtre. D’abord, ce n’étaient que des balbutiements indistincts, pareils à des petits souffles de vent qui se levaient, épars au-dessus de la foule. Ensuite, le cri montait, s’étendait, gagnait la foule elle-même, d’un bout à l’autre de l’immense place.

— Marie conçue sans péché, priez pour nous ! criait le prêtre de sa voix tonnante.

Et les malades, et les pèlerins répétaient de plus en plus haut :

— Marie conçue sans péché, priez pour nous !

Ensuite, cela se dévidait, s’accélérait encore.

— Mère très pure, Mère très chaste, vos enfants sont à vos pieds !

— Mère très pure, Mère très chaste, vos enfants sont à vos pieds !

— Reine des Anges, dites un mot, et nos malades seront guéris !

— Reine des Anges, dites un mot, et nos malades seront guéris !

Cependant, du côté de la chaire, M. Sabathier se trouvait au second rang. Il s’était fait amener de bonne heure, voulant choisir sa place, en vieil habitué qui connaissait les bons coins. Puis, il lui semblait qu’il y avait un intérêt capital à être le plus près possible, sous les yeux mêmes de la Vierge, comme si elle avait eu besoin de voir ses fidèles, pour ne pas les oublier. Depuis les sept années qu’il venait, il ne nourrissait d’ailleurs que cet espoir : se faire remarquer d’elle un jour, la toucher enfin, obtenir sa guérison, sinon au choix, du moins à l’ancienneté. Cela ne lui demandait que de la patience, sans que la solidité de sa foi en fût ébranlée le moins du monde. Seulement, en pauvre homme résigné, un peu las d’être ajourné toujours, il se permettait parfois des distractions.